Ce qui suit constitue un relais numérique de la revue persistances.
Si nous ne publions pas l'ensemble des textes de la revue sur le site, ce n'est pas dans une logique de "rétention d'informations", mais c'est que, à nos yeux, faire une revue et faire un site sur Internet sont deux gestes distincts et auto-suffisants : ni une revue ni un site ne sont de simples réservoirs d'informations, mais impliquent chacun une mise en forme spécifique du sensible.
Que l'on considère donc cette rubrique comme une invitation faite à d'éventuels internautes curieux à faire un pas vers quelques pages à feuilleter...
Regard critique sur le cinéma, le temps, les faits et les choses Persistances se méfie de tout ce qui clôt, emprisonne, identifie. Cest dire quelle se méfie des cinéphiles. Du cinéma, plutôt, elle guette les signes de vie. Le vert-bleu dun lac. Le vent devenu sable dune dune qui ségrène. Le rouge de la grenade. Linsurrection de la forêt. Un peuple en armes. La terre en transe. Les loups, toujours vivants. Images-soulèvements, projets dimpossible, Une nouvelle perception du présent. |
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Sommaire du numéro 4 (à paraître début Mai 98) : Le spectateur et le « ciné-il » de Lhomme à la caméra Yves Dupeux La machine de guerre du Ciné-il et le mouvement des kinoks lancés contre le Spectacle Maurizio Lazzarato Pour une généalogie des représentations assujetties Nicolas Azalbert Trois questions à Jean Louis Schefer Timescapes Angela Melitopoulos Photographies Olivier Derousseau Dessins Patrick Fontana États de lart Andrea Inglese Injonction à assassiner lange de lesthétique, qui ne meurt vraisemblablement pas Bernard Aspe Avatars du public Muriel Combes Artiste-masse et devenir-art Pino Tripodi Et prendre la chanson à rebours Olivier Derousseau Le cinéma au présent Propos croisés de Francesca Solari et Marcel Hanoun Ouverture du n°4 Nous ne croyons plus aux artistes. Dailleurs, eux non plus. Les cinéastes den France ont lan passé tout juste assez cru en eux pour rédiger une pétition en faveur dune hospitalité inconditionnelle envers les étrangers, pétition que, plus réalistes que modestes, ils ont lancée en tant que corps de métier et non en tant quartistes (comme réalisateurs et non comme cinéastes), mais en déclarant par là faire uvre de « citoyens ». Le plus intéressant dans leur démarche est sans doute quelle ait inspiré un vaste mouvement pétitionnaire des travailleurs de limmatériel (des graphistes aux avocats) qui ont utilisé leur outil de travail pour diffuser les pétitions et recueillir les signatures via Internet. Mais seul un regrettable contresens pourrait nous inciter à voir dans linitiative des réalisateurs autre chose quun mouvement de professionnels, en loccurrence des professionnels de la représentation. Car cest bien de représentation quil sagit dans le clip Nous, sans-papiers de France, par lequel les « cinéastes » ont prolongé leur engagement « citoyen » dans un acte « cinématographique » en filmant la porte-parole des sans-papiers de Saint-Bernard en plan-séquence, face à la caméra ; quitte à la constituer par là, dune manière quasi-télévisuelle, en représentante officielle du mouvement des sans-papiers, cest-à-dire en interlocutrice du pouvoir. Nous ne pouvons voir dans ce film quun geste qui demeure, faute de parvenir à construire une forme politiquement juste, lengagement dun sujet universel qui adresse aux citoyens un « message » en faveur dune « cause » ; le médium qui véhicule le message étant finalement indifférent parce que séparé de lui, comme la forme de vie des cinéastes est séparée de celle des sans-papiers. Nous ne croyons plus aux artistes. Mais nous savons que nous ne pouvons plus nous soustraire à la force des images. Images, tous saccordent désormais là-dessus, qui sont aujourdhui moins que jamais de simples reflets de la réalité, mais qui en sont des composantes à part entière. Les jeunes habitants des banlieues, pour faire part dune existence en révolte, sont amenés à désirer les répercussions médiatiques de leurs actes comme partie intégrante de ceux-ci, et ce malgré le rejet des journalistes de télévision toujours aux côtés de la police. À Strasbourg, les jours précédant la Saint-Sylvestre, les actes de révolte ont été décuplés par la diffusion télévisuelle des images de ces actes. Daucuns verraient là un triomphe du spectaculaire intégré, la substitution du spectacle de la révolte à la révolte elle-même. Nous y voyons plutôt grandir une contamination réciproque de la lutte par la logique du spectacle, mais aussi du spectacle (pris au piège de sa propre logique : cest beau une voiture qui brûle) par la révolte. Car ces images-spectacle ne fonctionnent que de solliciter un désir latent de casser le quadrillage des flux, de participer de cette interruption festive. Nous ne croyons pas à l« éthique des journalistes ». (Pas plus dailleurs que nous ne faisons confiance à une très abstraite « éthique des cinéastes-auteurs » centrée sur la figure de « lautre » pour reconstruire un rapport juste au réel.) Lambiguïté du rôle des médias dans les luttes politiques se vérifie toujours. Aucune lutte ne peut prétendre aujourdhui avoir une véritable existence politique sans être dune manière ou dune autre tournée vers les médias. Le problème est alors, pour une lutte, de ne pas sy livrer au point de risquer de séteindre dès lors que les médias ont reçu lordre de se détourner delle. Dans lactuel mouvement des chômeurs, le risque est permanent de se voir rabattu sur les images convenues du « sans-emploi », de l« assisté », voire de lindividu « socialement inutile », les médias jouant sur les tensions internes du mouvement. Ici, on touche au rapport à soi comme étant simultanément la base dun mouvement politique et lenjeu dune construction médiatico-policière du sensible. On se vit toujours soi-même en rapport à des images comprises en un sens large comme assignation à des identités repérables. La fixation, le replâtrage, la combinatoire de ces identités : tout cela définit la logique médiatico-policière ; la désidentification est la matrice de toute lutte politique dé-livrée, et cest en cela quelle constitue un problème proprement esthétique, non pas comme sphère séparée mais comme fabrication du sensible. Nous croyons que communisme a nommé, nomme encore cette désidentification. |