Une nouvelle guerre des étoiles plus folle que la première.

On savait GW Bush studieusement capable d’une seule pensée. Mais pouvait-on croire aux sophismes désarmants de la pensée unique des ses conseillères et conseillers?

Foin donc des vieilles rivalités de la guerre froide; au diable aussi le réalisme en matière de relations internationales, la pratique de la balance du pouvoir corrigée par des accords de réduction des armements et leurs mécanismes de vérification intrusifs et les multiples formes alternatives de démocratie ne sécrétant pas cette société de la mort et de l’abstention politique record si propre à l’Amérique. Désormais libéré d’un empire du mal conjointement fabriqué par le Pentagone et Hollywood, voici annoncé le temps du Saint Empire du Bien, unitaire, car tout partage géographique ou idéologique siérait mal à son universalité! Son Temple est bien sûr érigé à Washington: en style néo-classique pompeux comme il convient à ses inavouables ambitions gréco-romaines et impériales. Le marché en est son Aurige. La pollution son encens et son signe. Et ses Eglises majeures se dressent là où se trouvent les stations Echelon.

Le païen à convertir, le tant désiré néophyte Poutine, est donc aimablement convié à lutter contre la prolifération, à se débarrasser de ses missiles soviétiques (voire “staliniens”) dont l’impiété invétérée les rend encore capables de saturer facilement le bouclier américain, et à présenter en guise d’offrande, témoignant de sa bonne foi et de sa volonté d’expiation authentique des anciens péchés de la Russie, ses missiles S300! S’il voulait bien aussi se brouiller avec ses meilleurs alliés, ces mécréants de Chinois, autres rivaux potentiels de ce Saint Empire auto-désigné, on leur offrirait gracieusement des assurances défensives que seuls les grands prêtres Américains pourraient véritablement garantir et exercer pour le compte de ces nouvelles ouailles slaves. En vérité, une fois l’âme russe subjuguée, le devoir de prosélytisme exigera que l’on propose aux Chinois la même conversion, en leur promettant de les convier ensuite à la curée définitive du dépeçage sacrificiel de la Fédération russe, afin de les consolider dans leur nouvelle foi et de préparer le leur.

Les Européens, les Russes et les Chinois n’accepteront pas de se laisser entraîner dans cette charade stratégique assimilable aux dérives d’un culte, recherchant par tous les moyens à établir sa domination politique sans partage sous couvert du développement d’un nouveau système de sécurité dont personne ne veut, puisque disposant déjà du système de l’ONU pour assumer les devoirs relatifs au monde de l’après-guerre froide. Car enfin, pourquoi faudrait-il croire qu'il faille un absurde et ruineux bouclier spatial américain pour garantir la sécurité internationale dans un monde post-guerre froide? L'ONU, mise sur pieds par les Alliés après la seconde guerre mondiale reste, par définition, bien plus qualifiée par jouer ce rôle qu'une superpuissance en quête de domination politique mondiale sans partage. N'oublions jamais que la domination d'un seul ne peut jamais représenter que la servitude de tous.
 

Au demeurant, Russes et Chinois et espérons-le les Européens avec eux, auront la subtile sagesse prophylactique de laisser les Etats unis à leur folie solitaire. Même leur course aux armements, s’ils s’avisaient de vouloir l’imposer, ne devrait pas impressionner: le qualitatif répondra au quantitatif yankee, les plus solides alliances diplomatiques, politiques, économiques et sociales répondront aux chants sirupeux des hirsutes et dissonantes sirènes politiques et militaires d’un monde unipolaire, unidimensionnel et enthousiasmant comme la Mort même.

Cependant, prévenir valant mieux que guérir, inutile d’investir trop d’espoir dans la tâche ingrate et humainement impossible qui consisterait à vouloir raisonner des Bush, Cheney, Rice, Rumsfeld, et autres Kissinger, ce ventriloque des militaires chiliens et de leurs basses oeuvres, ainsi que les Albright, Cohen, Berger et compagnie de tristes mémoires, ces multiples faces du même Janus toujours empreintes de l’habituel “beliefs set” de l’anticommunisme et de l’impérialisme triomphant et revanchard, qui cherche seulement aujourd’hui à substituer un nouvel ordre mondial à sa solde, à sa vieille stratégie du “containment” et du roll-back” pour atteindre, en fait, toujours le même objectif, sa domination sans partage. Il serait donc simplement plus productif de tenir compte du fait élémentaire suivant: les vitesses s’additionnant, un missile intercontinental attaquant et un missile anti-missile sont supposés faire connaissance dans l’espace à quelques 22 000 km/h.. Par conséquent, si le missile attaquant était capable de rester braqué sur sa cible tout en modifiant plusieurs fois de manière aléatoire sa vitesse (boosters) et la direction de sa course (gyroscope) alors aucun système satellitaire relié au sol ne serait plus capable de communiquer avec suffisamment de célérité les ajustements nécessaires au missile anti-missile pour lui permettre d’atteindre son but. Les limites techniques auraient été atteintes et ainsi le système MAD serait rétabli, lui qui reste le meilleur garant de la paix et le meilleur atout pour inciter à de véritables réductions mutuelles de capacités offensives et défensives. Si, de surcroît, le missile attaquant était mirvé, alors tout espoir deviendrait plus que vain, il serait tout bonnement absurde et ruineux. Il faudrait alors presque encourager les USA d’aller de l’avant seuls, en leur souhaitant bon courage, tout en ayant une petite pensée pour Robert McNamara!

Il n’y a pas à en démordre: une collaboration russo-chinoise offrant des gages à l’Europe reste le plus sûr moyen de garantir la paix, qui constitue toujours le premier choix des peuples et, de plus en plus, des élites de bonne volonté.

Ne nous y trompons pas, en ce qui concerne cet ubuesque projet de bouclier spatial. Comme toujours, on utilise le drapeau de la démocratie et de la liberté pour mieux assassiner la démocratie et la liberté véritables.

On le voit, il est grand temps d’exiger une redéfinition du rôle de l’OTAN mettant fin à sa main mise en Europe et, avant tout, d’exiger la fermeture des bases militaires américaines, ces verrues colonialistes d’un autres âge dont le monde de l’après-guerre froide n’a vraiment plus besoin.

Paul De Marco, 13 juin 2001.