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Wash <wash@ecn.org>
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Date
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Thu, 12 Apr 2001 15:20:21 +0200
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Subject
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globe_l: liberté de la presse en Russie:rapport RSF
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RUSSIE
Un rapport de RSF recense les atteintes à la liberté de la presse en
Russie :
La prise de contrôle de la chaîne de télévision NTV par l'Etat russe, à
travers la compagnie d'Etat Gazprom, intervient après des mois d'une
dégradation continue de la situation de la liberté de la presse,
constatée tout au long de l'année 2000 et sur tout le territoire de la
fédération de Russie.
L’élection présidentielle du 26 mars 2000 a été marquée par un parti
pris évident des chaînes de télévision d’Etat ORT (semi-publique) et RTR
(publique) en faveur du candidat Vladimir Poutine, alors président par
intérim. La moitié du temps d'antenne de la campagne lui a été accordée,
les onze autres candidats se partageant le reste. Le 21 février,
Guennadi Ziouganov, principal adversaire de Vladimir Poutine à
l'élection présidentielle, a dénoncé l'"arbitraire" règnant dans les
médias publics.
Le contrôle de l'information sur la Tchétchénie a été très sensiblement
accru, le gouvernement et l'armée cherchant à éviter un retournement de
l'opinion contre l'action russe dans la République indépendantiste. En
janvier 2000, le Kremlin a créé un poste de coordinateur des médias pour
la Tchétchénie et un centre de presse qui diffuse quotidiennement
l'information officielle et organise des voyages dans la zone de guerre,
sous étroite surveillance d'officiers russes. Le 15 mars, le ministère
russe de l’Information a interdit aux médias de rapporter les propos des
principaux leaders tchétchènes, dont le président Aslan Maskhadov. En
cas de non-respect de cette règle, le ministère de l'Information retire,
après deux avertissements, la licence du média en faute et suspend,
voire menace d'interdire, sa diffusion en Russie. Les organes de presse
étrangers connaissent parallèlement des difficultés croissantes à
exercer leur activité et les accréditations pour la Tchétchénie sont,
dans les faits, impossibles à obtenir.
Les autorités russes ont, à plusieurs reprises, rappelé leur intention
de mieux maîtriser le "secteur stratégique" de l'information. Annoncée
et théorisée dans la "doctrine sur la sécurité de l'information",
approuvée par le président Poutine le 13 septembre 2000, cette politique
de "renforcement des médias d'Etat" en charge de "la diffusion d'une
information fiable aux citoyens russes" a été mise en œuvre de façon
systématique. L'épreuve de force mise en scène par les pouvoirs publics
russes avec les "oligarques" du secteur de l'information, s'est ainsi
soldée par la prise de contrôle pure et simple par l'Etat de la seule
chaîne privée d'audience nationale, NTV, et semble t-il également de la
chaîne de télévision semi publique ORT, chaîne de télévision disposant
de la plus forte audience sur tout le territoire de la Fédération de
Russie. Son propriétaire, Boris Berezovski, avait dénoncé, en août 2000,
la volonté de l'Etat, de prendre le contrôle de l'ORT et annoncé sa
décision de confier la gestion des parts de la chaîne qu'il contrôlait
(49%) à un groupe de personnalités attachées à l'indépendance de la
chaîne. Ces parts auraient semble t-il été finalement vendues au groupe
pétrolier Sibneft, une entreprise publique. L'ancienne chaîne de
télévision de l'Union soviétique, partiellement privatisée en 1993, et
qui s'était montrée particulièrement critique envers le président
Poutine au moment de l'affaire du sous-marin Koursk, pourrait ainsi
rejoindre la chaîne publique RTR, sous tutelle complète de l'Etat.
Journalistes tués
Quatre journalistes ont été tués en 2000 pour avoir exprimé leurs
opinions ou dans l'exercice de leur fonction.
Le 20 février 2000, le photographe de l'agence de presse russe
Itar-Tass, Vladimir Yatsina, est assassiné en Tchétchénie, où il était
détenu depuis le 19 juillet 1999 par les indépendantistes. Selon
plusieurs témoins, dont l'homme d'affaires kazakh Alicher Orazaliïev,
détenu avec le photographe durant les quatre premiers mois de son
emprisonnement, ce dernier aurait été exécuté par les Tchétchènes parce
que ses blessures l'empêchaient de suivre et retardaient l'avance des
soldats.
Le 12 mai, Alexander Yefremov et deux officiers russes sont tués dans
leur véhicule, suite à l'explosion d'une mine télécommandée, près du
village de Kirov au sud-est de la Tchétchénie. Alexander Yefremov était
journaliste au quotidien Nache Vremia, basé à Tioumen (Sibérie).
Le 16 juillet, Igor Domnekov, journaliste pour le bihebdomadaire privé
Novaïa Gazeta, décède des suites de ses blessures. Il avait été attaqué
devant l'entrée de son immeuble à Moscou le 12 mai 2000, peu avant
minuit, par un inconnu qui l'avait frappé à coups de marteau. Blessé à
la tête, il avait été immédiatement hospitalisé et n'a jamais repris
connaissance. Selon le rédacteur en chef du journal, Dmitry Muratov, ses
agresseurs l'auraient confondu avec l'un de ses collègues et voisin,
Oleg Soultanov, qui enquêtait sur des affaires de corruption au sein
d'entreprises de métallurgie. Un mois avant l'agression, ce dernier
aurait reçu une lettre menaçant de "le frapper à la tête avec un objet
lourd". Novaïa Gazeta a publié, à de nombreuses reprises, des enquêtes
sur des affaires de corruption, mettant en cause des proches du pouvoir
et des services de sécurité (FSB, ex-KGB). Le journal a notamment
critiqué l'action des forces russes en Tchétchénie depuis la première
guerre en 1994.
Le 21 novembre, Adam Tepsourgaïev, cameraman free-lance ayant travaillé
pour plusieurs médias et notamment pour l'agence Reuters, est tué par
balles, alors qu'il se trouve dans une maison de la localité
d'Alkhan-Kala, à 10 km au sud de Grozny. D'après les déclarations d'Ali
Tepsourgaïev, son frère, blessé lors de l'attaque, des hommes armés
parlant en langue tchétchène, ont fait irruption dans la maison et se
sont mis à tirer. Le porte-parole du Kremlin sur le conflit tchétchène,
Sergueï Iastrjembski, déclare que "cet assassinat prouve encore une fois
qu'il est essentiel de prendre des mesures pour assurer la sécurité des
journalistes en Tchétchénie", ajoutant qu'Adam Tepsourgaïev n'était pas
accrédité par les autorités russes.
Trois autres journalistes ont trouvé la mort en 2000. Au 1er janvier
2001, il est impossible d'affirmer que leur mort a un lien avec leur
activité professionnelle.
Le 26 juillet, Sergueï Novikov, directeur de la station de radio privée
Vesna, dans la région de Smolensk, est tué par balles, alors qu'il
regagne son domicile. Selon la police, ce meurtre pourrait être lié à
ses activités en tant que représentant du comité de direction d'une
usine de verre et le ministère de l'Intérieur évoque l'hypothèse d'un
assassinat commandité.
Le 21 septembre, Iskandar Khatloni, journaliste de Radio Liberty à
Moscou, est retrouvé mort le crâne fracassé. Le lien entre ce meurtre et
l'activité du journaliste, qui enquêtait sur les violations des droits
de l'homme en Tchétchénie, ne peut être établi avec certitude.
Le 3 octobre, Sergueï Ivanov, directeur d'une chaîne de télévision
privée dans la région de Samara, est abattu par balles. La police
privilégie la piste d'un règlement de comptes.
Journalistes incarcérés
Le 16 janvier 2000, Andreï Babitski, journaliste de Radio Svoboda
(antenne russe de Radio Free Europe) est arrêté par les forces fédérales
à la sortie de Grozny. Andreï Babitski est détenu dans un camp de
"filtration" à Tchernokozovo (nord de la Tchétchénie) où il est
maltraité. Le 3 février, il est “échangé” contre plusieurs soldats
russes et remis à des combattants tchétchènes, probablement prorusses.
Ces derniers confient le journaliste à un passeur, qui le libère
finalement au Daghestan. Selon Andreï Babitsky, ses ravisseurs, qui
avaient l'intention de l'envoyer en Azerbaïdjan, lui remettent de force
un faux passeport azéri. Le 25 février, il est de nouveau arrêté par les
forces fédérales russes et inculpé de “possession de faux passeport”.
Trois jours plus tard, il commence une grève de la faim afin de
protester contre sa détention. Il est finalement libéré le 29 février,
mais assigné à résidence à Moscou. Le journaliste est empêché de quitter
Moscou pour se rendre, le 7 mars, à Strasbourg à l'invitation de
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, puis, le 6 juillet, à
Bucarest, pour recevoir le "Prix pour le journalisme et la démocratie"
décerné par l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe) pour sa couverture du conflit tchétchène. En octobre, Andreï
Babitski est condamné en première instance à une amende de 8 350 roubles
(308 euros) pour "détention de faux passeport". Il refuse de bénéficier
d'une amnistie décrétée pour les délits mineurs et interjette appel pour
que son innocence soit reconnue. Mais, le 13 décembre, la Cour suprême
du Daghestan (Caucase russe) confirme la condamnation de la première
instance. Andreï Babitski avait réalisé plusieurs reportages critiques
sur l'action des forces fédérales en Tchétchénie. Il avait notamment
dénoncé les mauvais traitements subis par les prisonniers des camps de
"filtration". "Il est clairement au service de l'ennemi. Ce qu'il fait
est bien plus dangereux que de tirer des rafales d'armes automatiques",
avait dit de lui Vladimir Poutine dans une interview accordée à
l'hebdomadaire moscovite Kommersant, en mars.
Le 1er juin, Tassia Issaeieva, journaliste indépendante tchétchène, est
arrêtée lors d'un contrôle de police dans le village de Zaramaga, en
Ossétie du Nord. Sa caméra et son ordinateur portable sont saisis. La
journaliste est accusée de travailler pour une agence de presse
tchétchène. Elle est libérée le 7 juin.
Le 27 juillet, Irina Grebneva, rédactrice du journal d'opposition
Arsenievskié Vesti, est arrêtée à Vladivostok, pour avoir publié des
extraits de conversations téléphoniques de responsables de
l'administration locale laissant supposer des irrégularités dans
l'organisation des élections municipales de juin 2000. Elle est accusée
d'"utilisation de mots grossiers dans des lieux publics". La journaliste
est incarcérée cinq jours dans une prison de Vladivostok réputée pour
ses conditions de détention difficiles. Selon ses collègues, son
arrestation serait un "acte de vengeance des autorités locales face à la
ligne éditoriale du journal". Elle entame une grève de la faim dès son
premier jour de détention. Elle est remise en liberté le 1er août.
Journalistes interpellés
Début février 2000, Evgueny Rukin, rédacteur en chef du bureau de Novaïa
Gazeta à Perm (centre de la Russie), est arrêté et mis en accusation
pour "abus d'autorité". Selon Evgueny Rukin, cette mesure est liée à ses
publications critiques envers le pouvoir. Il est relâché peu de temps
après.
Le 2 février, le journaliste du Times, Giles Whittell, est arrêté à
Grozny et interrogé au camp militaire de Khankala par les services
spéciaux russes. Il n'est pas en possession de l'accréditation
obligatoire délivrée par le commandement russe pour travailler dans
cette région. Il est finalement relâché et reconduit à Moscou, le 3
février.
En mai, les forces de sécurité russes arrêtent Vakha Dadulagov,
rédacteur en chef du journal tchéchène Ichkeria, considéré comme
"l'organe officiel du gouvernement rebelle". Vakha Dadulagov est accusé
"d'incitation à la haine raciale". Les imprimeries du journal sont
détruites.
Le 5 août, un journaliste japonais, Masaaki Hayachi, et une collègue
russe, Kheda Saratova, sont arrêtés par les forces fédérales russes lors
du contrôle du véhicule qui les transporte de Nazran, en Ingouchie, vers
Grozny. Le journaliste japonais est prié de regagner Moscou pour défaut
d'accréditation. Sa collègue russe est libérée aussitôt.
Le 5 septembre, Rouslan Moussaïev, cameraman tchétchène pour l'agence
Associated Press, est arrêté lors d'un contrôle, au motif qu'il n'est
pas enregistré comme résident de Grozny, puis conduit à la base
militaire de Khankala. Il est violemment frappé par des soldats russes
et détenu toute une nuit au fond d'un puits situé près de la base
militaire de Khankala avec quatre autres prisonniers tchétchènes. Il est
reconduit le lendemain par l'armée à la frontière avec l'Ingouchie, où
il est relâché.
Journalistes agressés
Le 26 janvier 2000, Dmitry Bykov, correspondant de l'hebdomadaire
Sobesednik, est brutalement agressé près de son lieu de travail par deux
individus non identifiés. Quelques jours plus tard, il reçoit des
menaces de mort par téléphone. Le journaliste et ses collègues lient
cette agression aux articles politiques qu'il a publiés.
Le 3 mars, Roman Perevezentsev, journaliste de la chaîne publique russe
ORT, est contraint, par des hommes en armes masqués, de remettre une
cassette vidéo tournée à Mozdok (Ossétie du Nord) lors de l'arrivée de
cadavres de policiers russes tués dans une embuscade, la veille, à
Grozny. Le cameraman qui l'accompagne est frappé et la cassette brisée.
En juillet, Andrei Bars, du journal Uralsky rabochy, est agressé alors
qu'il effectue un reportage dans la ville de Kachkanar. Le journaliste
interrogeait les habitants, victimes d'un gangster local, lorsque deux
hommes, qui l'avaient suivi toute la journée, l'ont attaqué. Uralsky
rabochy avait publié, début juillet, une lettre ouverte des habitants de
Kachkanar qui se plaignaient que le bandit soit toujours en liberté.
Le 23 août, Oleg Safonov, rédacteur en chef adjoint de Novaïa Gazeta
connu pour ses articles critiques envers les autorités locales, est
agressé à son domicile par deux inconnus qui le frappent à la tête avec
un objet lourd.
Le 30 septembre, Sergey Amelin, journaliste d'investigation qui avait
publié plusieurs articles très critiques envers la gestion du gouverneur
de la République de Khakassie (au nord de la Mongolie) et avait été
menacé à plusieurs reprises, est attaqué à l'arme blanche et grièvement
blessé.
Le 2 octobre, Alexeï Charovski, rédacteur en chef de la radio
indépendante Echo de Rostov, est agressé à l'arme blanche par deux
inconnus à Rostov-sur-le-Don (sud de la Russie). La radio fait partie du
groupe de presse privé Media-Most. Les causes de cette agression n'ont
pas été élucidées.
Le 14 octobre, Magomet Tekeïev, rédacteur en chef du quotidien Gorskiïe
Vedomosti, est violemment frappé à coups de massue et avec un sac rempli
de vis et d'écrous, devant son domicile de Tcherkesk, la capitale de la
République de Karatchaïevo-Tcherkessie. Les collègues de M. Tekeïev
estiment que cette agression est directement liée à son activité de
journaliste, celui-ci ayant, à plusieurs reprises, dénoncé dans ses
articles la corruption dans les sphères dirigeantes de la République.
Le 16 décembre, Oleg Lourié, journaliste pour l'hebdomadaire Novaïa
Gazeta, est agressé par des inconnus, devant son domicile à Moscou. Le
journaliste déclare que ses agresseurs l'ont battu "méthodiquement à
coups de pied". Il ajoute que, depuis la veille, il se sentait surveillé
car il avait exprimé son soutien au groupe Media-Most sur la chaîne de
télévision NTV, et accusé les autorités de "faire pression sur le
groupe". Le journaliste a également publié plusieurs articles dénonçant
des affaires de corruption.
Journalistes menacés
En janvier 2000, Mikhail Eliseev, correspondant du Moskovsky
Komsomolets, reçoit des menaces de mort, suite à la publication
d'informations sur la corruption régnant dans le district de Penza,
situé au sud-est de Moscou. Il avait été sauvagement battu le 30
décembre 1999 par des miliciens locaux lui reprochant d'avoir dénoncé la
participation de leur organisation dans ce système de corruption.
En janvier, le journaliste Alexander Khinshtein, connu pour ses enquêtes
sur la corruption du gouvernement et de la police dans le quotidien
Moskovski Komsomolets, est menacé d'enfermement dans un hôpital
psychiatrique pour falsification d'un permis de conduire. Le 17 février,
le ministère de l'Intérieur annule les charges qui pèsent sur le
journaliste et écarte l'idée d'un possible internement.
Le 21 novembre, la section militaire de la Cour suprême russe décide de
renvoyer Grigory Pasko devant le tribunal militaire de Vladivostok. Le
capitaine Grigory Pasko, correspondant du journal de la marine Boevaya
Vakhta, et collaborateur du quotidien japonais Asahi et de la chaîne de
télévision NHK, a été emprisonné le 20 novembre 1997. Grigory Pasko
était accusé "d'avoir recueilli des secrets d'Etat dans le but de les
transmettre à des organisations étrangères". Alors correspondant de
Boevaya Vakhta à bord du pétrolier russe TNT 27, il avait filmé des
scènes de déversement de déchets radioactifs liquides en mer du Japon.
Ces images diffusées par la télévision japonaise NHK sans son accord,
avaient suscité de vives réactions au Japon. Le 20 juillet 1999 (cf.
rapport 1999 et 2000), il avait été condamné par le tribunal militaire
de Vladivostok à trois ans de prison pour "abus de fonctions". Ayant
purgé les deux tiers de sa peine, Grigory Pasko avait été remis en
liberté en vertu d'une loi d'amnistie. Accusé de "haute trahison" et
"d'espionnage", il risquait une peine de douze à vingt ans de prison.
Pressions et entraves
Le 23 janvier 2000, une équipe de la chaîne privée de télévision NTV est
sanctionnée par le service de presse du gouvernement russe qui refuse
qu'elle se joigne à un voyage en hélicoptère en Tchétchénie organisé
pour la presse. La chaîne avait diffusé, la veille, un reportage de son
correspondant sur le front est, Iouri Lipatov, informant que les combats
pour la reprise d'Argoun (est du pays) avaient fait une cinquantaine de
morts dans le camp russe.
Le 10 février, le FSB confisque le matériel d'Anne Nivat, envoyée
spéciale en Tchétchénie des quotidiens français Ouest-France et
Libération. Le propriétaire de la maison où elle logeait, à Novye Atagui
(sud de Grozny), est arrêté. Le FSB procède à la saisie des notes, de
l'appareil photographique, du carnet d'adresses ainsi que des moyens de
communication de la journaliste. Anne Nivat est enregistrée auprès du
ministère des Affaires étrangères, mais ne dispose pas de
l'accréditation délivrée par l'état-major des troupes fédérales du
Caucase du Nord pour travailler en Tchétchénie. Interrogée sur son
activité en Tchétchénie par un inspecteur du parquet général puis par un
autre du FSB, la journaliste se voit remettre un reçu lui promettant que
ses documents lui seront rendus avant le 1er mai 2000. Elle est relâchée
mais placée sous surveillance jusqu'à son départ pour Moscou le
lendemain.
Le 15 mars, la radio américaine Radio Free Europe/Radio Liberty accuse
les autorités russes de chercher à intimider son antenne russe, Radio
Svoboda. Le ministère russe de l’Information exige en effet de recevoir
le script de toutes les émissions du 15 février au 15 mars.
Le 15 mars, en pleine campagne électorale, un pirate informatique, ayant
accès au disque dur des ordinateurs de l’hebdomadaire Novaïa Gazeta,
détruit l'intégralité du numéro à paraître. Selon la rédaction, celui-ci
contenait des révélations sur le financement de l'élection
présidentielle.
Le 28 mai, la marionnette de Vladimir Poutine de l'émission satirique
"Koukly" de la chaîne de télévision privée NTV, est retirée à la demande
du Kremlin. Selon M. Kisselev, l'un des dirigeants de la chaîne, NTV
aurait reçu l'assurance, en échange de ce retrait, de "pouvoir
travailler tranquillement".
Le 13 juin, Vladimir Goussinski, le propriétaire du groupe de presse
d'opposition Media-Most, est arrêté à Moscou, alors qu'il est entendu
par le parquet dans le cadre d'une enquête concernant des écoutes
téléphoniques. Il est accusé "de vol et d'abus de pouvoir". Vladimir
Goussinski avait appelé à voter pour le réformateur Grigori Iavlinski,
opposant à Vladimir Poutine, à l'élection présidentielle de mars
dernier. La chaîne de télévision NTV et la station de radio Echos de
Moscou, appartenant au groupe, ont dénoncé à plusieurs reprises la
corruption dans le pays et proposé un regard différent sur le conflit en
Tchétchénie, en diffusant des témoignages de victimes. Le quotidien
Sevodnia, également propriété de Media-Most, a publié une série
d'articles sur l'ascension politique de certains responsables du Service
fédéral de sécurité (FSB, ex-KGB). Le 16 juin, Vladimir Goussinski est
inculpé de "privatisation frauduleuse" et d'"escroquerie", incarcéré
puis libéré à condition de ne pas quitter le pays. Le 28 juin, Igor
Malashenko, l'un des principaux collaborateurs de Vladimir Goussinski,
est interpellé puis relâché quelques heures plus tard. Le 11 juillet,
les locaux de NTV, ainsi que le siège de Media-Most, sont de nouveau
perquisitionnés par le FSB. Le 27 juillet, le parquet général russe
annonce à Vladimir Goussinski que l'enquête qui le concernait est close,
"en l'absence de charge". La mesure d'assignation à résidence et la mise
sous séquestre de ses biens sont levées. Vladimir Goussinski quitte la
Russie. Il aurait été libéré, suite à la signature, en juillet, d'un
accord secret avec le groupe gazier public Gazprom, principal créancier
de Media-Most. Ce texte garantissait l'abandon des poursuites
judiciaires contre la cession du groupe de presse à la compagnie d'Etat.
Vladimir Goussinski dénonce l'accord en septembre, et rend public
l'accord paraphé par le ministre russe de la Communication, Mickaïl
Lesin. Vladimir Goussinski est à nouveau arrêté, le 12 décembre, en
Espagne, suite à l'émission d'un mandat d'arrêt international par le
procureur général adjoint de Russie, pour "escroquerie à grande
échelle", puis libéré quelques jours plus tard dans l'attente d'une
décision de la justice espagnole sur son éventuelle extradition.
Le 22 août, après la diffusion par ORT d’une émission critique sur les
opérations de sauvetage qui ont suivi le naufrage du sous-marin « Koursk
», les cassettes vidéo de la chaîne sont confisquées.
Le 31 août, le général Manilov, chef du commandement militaire unifié de
Russie, annonce qu'il prend "personnellement la responsabilité" de
priver deux journalistes de l'ORT, Vadim Chelikov et Vladimir Agafonov,
d'accréditation pour travailler sur le territoire tchétchène.
Le 9 septembre, l'ORT supprime "Vremia", l'émission du journaliste
vedette Sergueï Dorenko. Selon M. Dorenko, ce retrait est lié à
l'affaire du sous-marin Koursk, le journaliste ayant vivement critiqué
l'attitude du pouvoir lors de cette tragédie.
Le 11 septembre, le district militaire de Vologodskaya reçoit l'ordre du
ministère de la Défense et du ministère de l'Intérieur de contrôler
toutes les informations publiées par la presse locale sur la
Tchétchénie.
Le 27 octobre, à Moscou, débutent les auditions pour le procès intenté
par le procureur général Vladimir Ustinov, contre le directeur général
de la chaîne de télévision privée NTV, Yevgeny Kiselyov, et patron de
l'hebdomadaire d'information Itogi. Yevgeny Kiselyov a programmé sur sa
chaîne, en juillet et septembre 2000, des reportages sur le luxueux
appartement de Vladimir Ustinov qui lui est fourni par le gouvernement
et dont il ne paie pas le loyer. Le procureur général demande à la cour
de "défendre son honneur et sa dignité," et d'enjoindre au journaliste
et à la chaîne NTV de retirer publiquement leurs accusations.
Durant la semaine du 10 au 17 novembre, les services de sécurité russes
(FSB) interrogent le personnel de l'hebdomadaire privé Versiya à propos
de photos publiées en octobre, qui montraient la collision du sous-marin
Koursk avec un sous-marin américain. Le 17 novembre, des documents sont
saisis. Le 10 novembre, des employés du FSB avaient déjà confisqué
l'ordinateur du journaliste responsable des enquêtes, Dmitri Filimonov,
qui avait été interrogé, pendant quatre heures, afin qu'il avoue de qui
il avait obtenu cette photo.
Le 5 décembre, les employés du journal de Vladivostok Narodnoye Veche
sont empêchés d'entrer dans leurs locaux par des fonctionnaires de la
ville, accompagnés d'agents de sécurité d'une compagnie privée. La
rédactrice en chef, Maria Solovyenko, et trois journalistes réussissent
à pénétrer dans les lieux en cassant une fenêtre. Maria Solovyenko est
frappée, et du matériel informatique est endommagé. D'après la
rédactrice en chef, l'administration municipale veut punir le journal
pour un article paru récemment, accusant les dirigeants de la ville de
détournement de fonds publics.
Le 30 décembre, une équipe de la télévision RTR est attaquée par des
inconnus alors qu'elle quitte l'aéroport de Sheremetievo, à Moscou. Elle
venait de faire un reportage sur les six cents touristes à destination
de la Thaïlande et Bali, retenus à l'aéroport pendant deux jours. Les
journalistes trouvent un pneu crevé quand ils retournent au parking.
Alors qu'ils partent, deux voitures les arrêtent sur la route. Les
journalistes sont menacés avec des armes, le cameraman est frappé et une
caméra, des bandes de films et des téléphones portables leur sont
dérobés.
Nouveaux éléments sur des journalistes tués ou enlevés avant 2000
Le 13 janvier 2000, Dmitri Balbourov, un journaliste de l'hebdomadaire
russe Moskovskie Novosti est libéré après avoir été retenu en otage plus
de trois mois en Tchétchénie. Il avait été kidnappé, le 4 octobre 1999,
lors d'un reportage à Nazran (Ingouchie), puis conduit en Tchétchénie où
il a subi de mauvais traitements.
Le 21 janvier, le tribunal de Moscou acquitte les individus
comparaissant pour un attentat, en novembre 1995, dans le cimetière de
Kotliakovskoe, au cours duquel deux journalistes avaient été tués.
Le 12 juin, Brice Fleutiaux, photographe français free-lance détenu en
Tchétchénie depuis plus de huit mois, est libéré. Il indique avoir été
relâché à l'issue de négociations et sans opération militaire. Selon ses
dires, aucune rançon n'aurait été versée, mais il aurait été échangé
contre la libération d'un soldat tchétchène. Il estime avoir bénéficié
de conditions de détention correctes, après un premier mois difficile.
Le 1er octobre 1999, après avoir pénétré en Tchétchénie par la frontière
géorgienne, le photographe est enlevé, dans la capitale Grozny, par une
bande armée. Détenu pendant un mois à Chatoï, il est ensuite évacué vers
les montagnes du Sud alors que les troupes russes avancent, puis remis à
un autre groupe tchétchène. Il restera dans les montagnes jusqu'à sa
libération, en changeant régulièrement de repaire. Selon le conseiller
du Kremlin pour le conflit tchétchène, Sergueï Iastrjembski, l'histoire
de Brice Fleutiaux servira "d'avertissement aux autres journalistes qui
veulent pénétrer en Tchétchénie de la même façon". Sa libération a
permis au Kremlin d'organiser une véritable opération de communication
politique. Le jour de sa libération, à la veille d'une tournée
européenne, le président russe reçoit Brice Fleutiaux au Kremlin pour un
entretien télévisé de trente minutes et lui remet une cassette vidéo
réalisée par les services secrets russes sur "le marché aux esclaves en
Tchétchénie".
Le procès sur l'assassinat du journaliste Dmitri Kholodov s'ouvre le 9
novembre à Moscou. Ce journaliste, qui travaillait pour le quotidien
populaire Moskovski Komsomolets et enquêtait sur la corruption dans
l'armée russe, avait été tué en 1994 par l'explosion d'une mallette
piégée censée contenir des documents confidentiels qu'il venait de
retirer dans une consigne de gare. La mort de Dmitri Kholodov était
survenue peu avant la présentation devant le parlement russe, d'un
rapport détaillé de son enquête sur un trafic d'armes organisé en
Allemagne de l'Est par de hauts responsables de l'armée russe. Le
procès, qui se tient à huis clos, a été ajourné dès son ouverture
jusqu'au 14 novembre pour permettre à la cour militaire d'examiner les
requêtes des six accusés dont quatre officiers. L'ancien chef des
renseignements des troupes aéroportées, le colonel Pavel Popovskikh, un
commandant d'unités de parachutistes, Vladimir Morosov, deux de ses
adjoints, Alexandre Soroka et Konstantin Mirzaïants, le directeur
adjoint d'une agence de gardes du corps, Alexandre Kapountsov et un
homme d'affaires, Konstantin Barkovski sont accusés du meurtre du
journaliste. Le rédacteur en chef de Moskovski Komsomolets, Pavel
Goussev, avait tout de suite après le meurtre mis en cause les services
de contre-espionnage et le ministre de la Défense, le général Pavel
Gratchev (cf rapport 1995 et suivants).
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