Les autorités marocaines interdisent une conférence

sur l'utilisation de gaz toxique

pendant la guerre du Rif (1921-1926)

RABAT (AP)

 

Le ministère marocain de l'Intérieur a interdit jeudi 19 avril 2001, l'organisation d'une conférence sur l'utilisation -jamais admise officiellement- de gaz toxique par l'armée espagnole pendant la guerre du Rif (1921-1926), a-t-on appris auprès de ses organisateurs.

''Nous avons reçu aujourd'hui la notification écrite de cette interdiction'', a déclaré à l'Associated Press Ilyas Elomari, président de ''l'Association de défense des victimes du gaz toxique dans le Rif''.

Cette association avait convié des universitaires, scientifiques et juristes à participer à un colloque qui devait débuter samedi à Al Hoceima, capitale régionale de la région montagneuse du Rif (350km au nord-est de Rabat).

''Je pense que le gouvernement a subi des pressions de l'Espagne et de la France'', a déclaré Ilyas Elomari. ''Si les autorités marocaines ne veulent pas de cette rencontre, nous l'organiserons à l'étranger''.

S'appuyant sur les conclusions de plusieurs historiens, l'association estime que ''plusieurs dizaines de milliers'' de Rifains ont trouvé la mort après des cancers des voies respiratoires liés à l'utilisation de gaz toxiques pendant cette guerre.

''Il n'y a pas une famille du Rif qui n'ait pas un parent atteint du cancer'', affirme le président de l'association en reconnaissant toutefois l'absence de statistiques fiables sur l'origine géographique des 30.000 à 50.000 Marocains cancéreux.

Déclenché en 1921 à l'initiative du dirigeant nationaliste Abdelkrim Al Khattbi (1881-1963), le soulèvement des tribus berbères du Rif (région montagneuse du nord du Maroc) avait entraîné une violente réponse militaire de l'Espagne, seconde puissance coloniale du Maroc avec la France.

Vaincue par les rebelles rifains, en 1921 lors de la bataille d'Anoual, l'armée espagnole s'était placée en 1926 sous commandement militaire unifié du maréchal français Philippe Pétain qui avait alors engagé une guerre totale. L'aviation espagnole aurait utilisé en 1925 et 1926 un gaz expérimental meurtrier baptisé ''Lust'' par ses concepteurs allemands.

Abdelkrim, chef de l'éphémère ''République confédérée des tribus du Rif'', avait alors tenté, sans succès, d'alerter la Croix rouge internationale sur l'utilisation de gaz toxiques contraire à la légalité internationale.

Défait en 1926, Abdelkrim fut déporté à la Réunion avant d'échapper à ses geôliers français en 1947. Figure emblématique de l'histoire nationaliste berbère et marocaine, il est mort en 1963 en Egypte.