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SASKIA SASSEN LA VILLE GLOBALE |
...Ces trois cités sont
caractéristiques, elles sont des point de commandement
de l'"économie- |
Dans ce compte-rendu de lecture,
nous marquerons ainsi (ENJEU)... les
enjeux qui nous semblent les plus importants... Ces trois cités sont caractéristiques (p 32), elles sont des :
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...Il s'agit là de se débarrasser de l'aristocratie ouvrière en utilisant une main d'oeuvre de réserve, à la marge des pays les plus développés et toujours dans le but de produire pour un marché global... | Plutôt que de distinguer comme on le
fait généralement, les services en fonction de leur
secteur: marchand, non marchand et mixte, on les classera
en fonction de leur cible: en direction des organisations
- qu'elles soient marchandes, non marchandes ou mixtes,
ou en direction des consommateurs (personnes). La première catégorie de services (aux organisations) est en plein essor et de plus en plus concentrée dans les villes comme New-York, Londres ou Tokyo, alors que la seconde (aux consommateurs), appuyée sur le développement plus ancien de l'industrie manufacturière, caractérisée par une croissance sur un mode extensif, est beaucoup plus distribuée géographiquement. En ce qui concerne les services aux organisations, ils sont de plus en plus le fait de PME-PMI "High Tech" (p 300). Car ces entreprises sont capables d'assurer la recherche innovante à la place des grandes entreprises, par exemple, ou bien de produire plus facilement des séries limitées pour des besoins de plus en plus ciblés. Du côté de la production industrielle classique, on assiste plutôt à une dispersion géographique, les fameuses délocalisations. Il s'agit là de se débarrasser de l'aristocratie ouvrière en utilisant une main d'oeuvre de réserve, à la marge des pays les plus développés et toujours dans le but de produire pour un marché global (p 72-73). C'est en s'appuyant sur le marché du travail international que le capital organise la production industrielle tout en centralisant toujours plus les postes de commandes dans les grandes villes financières. Cette internationalisation du marché du travail va de pair avec l'utilisation d'une main-d'oeuvre immigrée, clandestine ou non, au sein même de ces grandes villes pour les services de proximité comme par exemple la restauration, le nettoyage, etc... que ce soit par le biais d'une immigration historique coloniale (Londres), d'influence (New-York), ou tout à fait nouvelle (immigration clandestine asiatique |
...New-York, Londres et Tokyo concentrent à elles seules une part disproportionnée des transactions financières et des marchés pour les prestations de services... | Dans les villes étudiées, il
s'avère que les entreprises du secteur tertiaire
supérieur voient leur processus de production grandement
facilité par la proximité des autres prestataires de
services spécialisés (p 10). Cela peut paraître
paradoxal dans la mesure où on assiste à une explosion
des flux d'échanges télématiques, de la cybernétique.
Loin de faciliter la dispersion des entreprises, ceux-ci
sont mis au service de leur centralisation au niveau
décisionnel. Si l'on parle de production immatérielle
(conception, informations), la proximité est
recherchée, même si la vente des produits est mondiale
(p 9). si l'on parle de production matérielle
(industrielle), la délocalisation est question
d'opportunité. New-York, Londres et Tokyo concentrent à elles seules une part disproportionnée des transactions financières et des marchés pour les prestations de services: les 24 plus grandes sociétés de courtage du monde s'y trouvent, 63% des plus importantes banques mondiales, 84% des capitaux à l'échelle planétaire... C'est dans les années 80, sur les bases de la dette et de la spéculation que se sont construites ces concentrations (p 272). Ces villes cependant ne se concurrencent pas, elles coopèrent en se spécialisant (p 244). D'un point de vue historique, il est intéressant d'établir un parallèle entre le mode de développement qui présidait à la reconstruction à l'issue de la seconde guerre mondiale et celui qui prédomine dans les grandes métropoles les plus riches aujourd'hui. L'ancien mode s'organisait autour de la production de masse pour le marché national. Aux économies nationales correspondait un modèle hiérarchique des villes: la capitale, les métropoles régionales, les villes moyennes se développaient sur le mode d'une redistribution des richesses. Le nouveau mode est organisé autour de la production de services spécialisés. Les villes dominantes sont tournées vers l'international. Les métropoles régionales vivent une déconstruction / reconstruction aléatoire. Des régions entières où de petites villes prospéraient connaissent la désertification (p 201). Bien que l'on assiste à une relative coexistence des modes dans les pays développés en général (p 235-239), il est remarquable que le modèle de développement national qui visait à l'intégration nationale et qui était de ce fait aussi proposé dans les pays les moins riches est largement en recul. (ENJEU) |
...Avec SASKIA SASSEN, demandons nous jusqu'où ira cette transformation de la ville, devenue ville globale. Combien de SDF les hommes d'affaire sont-ils prêts à enjamber chaque matin pour se rendre au bureau ? |
Au niveau des revenus, cette
transformation a des conséquences très nettes: là où
auparavant les bas salaires et les revenus les plus
importants avaient tendance à céder la place aux
classes moyennes, on assiste aujourd'hui à un
rétrécissement de celles-ci alors que la misère, avec
ou sans travail, réapparait aux yeux de tous et que
s'affichent parallèlement de nouveaux riches (p 42-43). Mais on aurait tort de croire que les secteurs de croissance aux Etats Unis, en Grande Bretagne et au Japon offrent les meilleurs rétributions. Dans les finances, le commerce, les services d'affaires se multiplient justement les emplois précaires, peu payés. Les taux de syndicalisation y sont faibles, le travail à temps partiel et le travail féminin y correspondent à des pourcentages élevés (p 312). A Tokyo, dans ces secteurs, le différentiel des salaires entre les hommes et les femmes atteint 50 à 60%. On peut donc parler d'une inégalité croissante des revenus (p 335-337) : une minorité d'emplois très bien payés et énormément d'emplois mal payés, ce qui va à l'encontre de tout modèle d'intégration sociale. (ENJEU) Ces modifications essentielles dans le domaine des revenus entraînent à leur tour des changements notables dans les investissements et les modes de consommation. Hier, au modèle des classes moyennes, habitant les banlieues et se rendant en ville pour travailler correspondait le développement de l'automobile, des transports régionaux, des équipements ménagers se substituant à l'économie domestique. Tout cela allait de pair avec une consommation de masse standardisée, les hypermarchés à la périphérie des villes, la multiplicité des emplois de service à la consommation (p 383)... Bien sûr, tout cela continue d'exister, mais au modèle du travail intensif urbain en train de s'imposer correspond aujourd'hui la réhabilitation de quartiers entiers en plein centre ville, souvent "partagés", du moins momentanément, avec une population immigrée. (ENJEU) Le développement des services et même d'une économie informelle où les immigrés jouent un grand rôle de par leur savoir faire sont liés à cette réhabilitation, à New York comme à Londres. Ici plus de robots mais des domestiques et le développement des services de maintenance, de gardiennage, de restauration livrée à domicile où même directement au domicile... Quant à la consommation, elle correspond de plus en plus à des goûts de luxe: mobilier de style, travail du bois, travail d'artistes sont recherchés et concourent à multiplier les boutiques visant une clientèle très ciblée où viennent quelque peu se glisser le week-end les populations beaucoup moins riches des banlieues. Avec SASKIA SASSEN, demandons nous jusqu'où ira cette transformation de la ville, devenue ville globale. Combien de SDF les hommes d'affaire sont-ils prêts à enjamber chaque matin pour se rendre au bureau ? Plus profondément, que signifie cette formidable accumulation d'argent, la "bulle financière", dans quelques centres urbains et pour un nombre très limité de personnes ? A quelle mégalomanie répondent des projets de développement gigantesques des villes ? Il est aujourd'hui, 7 ans après la publication de ce livre, de plus en plus évident que l'"élimination des emplois à revenus moyens conditionne l'existence de nouveaux emplois à hauts revenus". Et la politique dans tout ça ? |